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Donald Trump en campagne pour le Nobel de la paix
Le président des États-Unis Donald Trump lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche le 11 août dernier.
« Je n'obtiendrai jamais le prix Nobel de la paix, peu importe ce que je fais », a écrit Donald Trump sur son réseau social en juin, après s'être félicité des accords de paix conclus pendant ses deux mandats. Ses partisans et ses alliés mènent une campagne pour promouvoir sa candidature. Un accord de cessez-le-feu en Ukraine cimenterait son aura de pacificateur aux yeux de sa base.
« Je pense qu'il aimerait réellement obtenir un prix Nobel de la paix pour la fin du conflit en Ukraine », dit Sarah Ann Oates, professeure à l'Université du Maryland.
Au détour d'une conversation sur les droits de douane, il y a quelques semaines, le président américain a questionné le ministre des Finances de la Norvège – où le prix est décerné – sur la distinction, a révélé un quotidien norvégien jeudi, à la veille du sommet attendu entre Trump et le président russe Vladimir Poutine.
À différents moments au cours des dernières années, il a répété qu'il aurait déjà dû le recevoir.
Candidature
La date limite pour soumettre une candidature pour 2025 est dépassée depuis le 1er février. Parmi les 338 candidatures reçues, dont 94 organismes, le récipiendaire sera dévoilé en octobre, selon le site du Comité Nobel norvégien.
Les simples citoyens ne peuvent proposer un candidat, mais des membres d'un gouvernement, de la Cour internationale de justice et des professeurs d'université de certaines disciplines, notamment, sont habilités à le faire.
Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a annoncé en juillet avoir proposé Trump pour cette reconnaissance mondiale. Tout comme le ministre cambodgien Hun Manet le 7 août, à la suite d'un cessez-le-feu avec la Thaïlande. Après leur passage à la Maison-Blanche pour sceller un accord de paix, les dirigeants de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie ont aussi signifié leur appui à sa candidature.
« Il est plus que temps que le président Trump soit récompensé du prix Nobel de la paix », a dit sa porte-parole Karoline Leavitt.
Un prix « fondamentalement politique »
Ce battage sert deux buts, estime Ronald Krebs, professeur de sciences politiques à l'Université du Minnesota. D'abord, « flatter l'ego du narcissique en chef », dit-il, pour maintenir de bonnes relations avec le président. Mais aussi galvaniser les troupes contre ces élites bien-pensantes de gauche. Qui, selon toute vraisemblance, continueront de lui refuser cet honneur.
« Le prix Nobel de la paix est fondamentalement politique, rappelle le professeur. Et comment pourrait-il ne pas l'être ? Toute sa vision est d'avancer une valeur universelle de la paix. »
Le prix est décerné depuis 1901, conformément au testament du riche industriel suédois Alfred Nobel, pour récompenser la personne « qui aura fait le plus ou le meilleur travail pour la fraternité entre les nations, pour l'abolition ou la réduction des armées permanentes et pour la tenue et la promotion des congrès de la paix ».
Depuis la seconde moitié du XXe siècle, le Comité Nobel norvégien, formé de cinq membres nommés par le Parlement norvégien, a élargi sa vision pour inclure non seulement des actions liées directement à l'apaisement des conflits, mais aussi à la défense des droits de la personne, de l'équité et de la démocratie.
En incluant les récompenses pour des luttes politiques nationales – comme avec sa reconnaissance du travail de Martin Luther King, en 1964 –, le Comité s'est montré « expressément politique », s'attirant les critiques des camps opposés, note M. Krebs.
Le Comité célèbre aussi parfois une vision davantage qu'un résultat, comme forme d'encouragement. En 1994, il a été accordé conjointement au Palestinien Yasser Arafat et aux Israéliens Shimon Perez et Yitzhak Rabin pour « leurs efforts pour créer la paix au Proche-Orient ». Le président américain Barack Obama a reçu le prix Nobel de la paix en 2009, moins d'un an après son arrivée à la Maison-Blanche – l'ex-secrétaire du Comité Gier Lundestad a par la suite admis que la récompense n'avait pas eu l'effet désiré.
Le prix Nobel de la paix n'est pas révocable. Certains lauréats sont tombés dans la controverse après l'avoir reçu, comme la leader birmane Aung San Suu Kyi et le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali.
Gagnant-gagnant
Même s'il facilitait des accords de paix entre la Russie et l'Ukraine, le bilan de Trump serait analysé au-delà des ententes signées. « Si le Comité le lui donnait, j'ai l'impression que ça dévaloriserait ce que représente le prix », dit Mme Oates, citant ses actions pour « miner la Constitution et détruire les droits des Américains ».
Ses chances de l'emporter sont « quasiment inexistantes », insiste-t-elle.
Une réalité que Trump et son équipe connaissent assurément, percevant le Comité comme le « cœur d'une tradition libérale idéaliste » qu'ils exècrent, souligne M. Krebs. « C'est une situation gagnant-gagnant pour lui, analyse-t-il. S'il le gagnait, il serait reconnu comme un pacificateur. S'il ne le gagne pas – ce qui est plus probable –, c'est parce qu'ils ont des valeurs contraires aux siennes, c'est essentiellement parce qu'ils sont trop 'wokes'. »
Le processus de sélection est entouré de mystère. Le nom des candidats reste secret pendant 50 ans, à moins qu'une personne impliquée dans l'envoi d'un dossier ne l'annonce elle-même.
Après la période de mise en candidature, les membres du Comité étudient les dossiers et sélectionnent autour de 20 à 30 dossiers à évaluer plus en profondeur, avant de voter, à majorité, pour le ou les lauréats. Le prix est remis le 10 décembre à Oslo.
Avec Newsweek et Reuters